Clément Laborieux
Pour mon deuxiĂšme marathon, jâai eu la chance dâobtenir un dossard pour le prestigieux Bank of America Chicago Marathon 2022. Avec Finishers, je vous fais traverser lâAtlantique et vous emmĂšne avec moi pour plonger au cĆur de cette course mythique. Letâs go to Chicago !
(Crédit : Jarvis Lawson - Bank of America Chicago Marathon)
Chicago, câest une ville que jâai dĂ©couverte lors dâun semestre dâĂ©tudes en 2014 et dont je suis restĂ© profondĂ©ment attachĂ©. Câest vraiment mon ter-ter. Son marathon, câest tout simplement lâun des plus prestigieux du monde puisquâil figure au calendrier du World Marathon Majors. Deux records du monde y ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© battus et en plus dâun parcours plat, les conditions mĂ©tĂ©orologiques y sont souvent idĂ©ales Ă cette pĂ©riode de lâannĂ©e. Bref, pour mon deuxiĂšme marathon, je ne pouvais pas rĂȘver meilleur endroit pour atteindre lâobjectif ultime pour beaucoup dâentre nous : courir un marathon en moins de 3h. đșđž
(Crédit : Bank of America Chicago Marathon)
Il existe diffĂ©rents moyens pour obtenir un dossard et jâai choisi le plus Ă©conomique et le plus flexible : la loterie. Il faut savoir que le systĂšme de tirage au sort du marathon de Chicago est celui oĂč vous avez le plus de chance parmi les Majors. Inscription un an Ă lâavance et rĂ©ponse positive obtenue en dĂ©cembre 2021 par mail, trust the process ! AprĂšs une prĂ©paration estivale de douze semaines avec des semaines dâentraĂźnements Ă 100 km, une belle sortie de 26 km, 4 kilos en moins et une paire de carbones prĂȘtes pour le jour-J, me voilĂ enfin prĂȘt pour lâun des plus beaux challenges sportifs de ma vie. On arrive Ă Chicago le vendredi soir aprĂšs quelques galĂšres dâavion et on est plongĂ©s dans lâambiance dĂšs la sortie de lâaĂ©roport avec une immense banniĂšre « Welcome runners » et les tickets de mĂ©tro du CTA Ă lâeffigie de la course. đŹ
(Crédit : Clément Laborieux)
Je me sens dĂ©jĂ comme un hĂ©ros alors quâon nâest quâĂ J-2. Le marathon en AmĂ©rique, câest vraiment sĂ©rieux, je sens que je ne vais pas ĂȘtre déçu dimanche. On a posĂ© nos valises dans un Airbnb cosy Ă Roscoe Village, un quartier dans le Nord de Chicago bien desservi par les transports. En 30 minutes, on se retrouve Downtown Ă la recherche dâun restaurant italien (recharge glucidique primordiale avant un marathon) et lĂ , dĂšs les premiers instants dans la « Windy city », on est dâabord captivĂ©s par ces immenses gratte-ciels qui se succĂšdent sur ces larges avenues typiques des Etats-Unis. De nuit, le spectacle est encore plus saisissant avec toutes ces lumiĂšres et la riviĂšre qui plonge Ă lâintĂ©rieur de la ville. Gotham City. đ
(Crédit : Clément Laborieux)
Samedi, J-1, lâheure du fameux shakeout run. Je cours le samedi matin Ă Lakeview Ă lâheure oĂč les Chicagoans dorment encore. RAS, les sensations sont bonnes, les jambes vont bien, le cĆur sâemballe un peu avec lâexcitation de la course mais je me sens confiant pour mon Sub3h. Si vous logez Downtown, je vous recommande vraiment de participer au 5 km proposĂ© par lâorganisateur du marathon. Le dĂ©part se fait Ă Grant Park, câest le moment idĂ©al pour faire le plein dâĂ©nergie positive et partager un super moment avec des dizaines de milliers de coureurs dans les rues de Chicago au milieu des buildings. Si vous ĂȘtes accompagnĂ©s, votre partenaire peut aussi sâinscrire Ă ce footing, parce que le running câest mieux Ă deux. Et vous aurez mĂȘme droit Ă une mĂ©daille de Finisher aprĂšs la course. đ
Câest maintenant lâheure dâaller rĂ©cupĂ©rer le dossard ! On dĂ©cide de se rendre au salon Abbott Health & Fitness en Lyft pour ne pas trop fatiguer les jambes. Le salon se trouve au bord du Lac Michigan dans le South Loop Ă 15 minutes du centre-ville en transport. Je vous recommande de vous y rendre le vendredi ou le samedi matin Ă lâouverture pour Ă©viter des longues files dâattente. Le marathon de Chicago, câest 40 000 coureurs dont de nombreux participants internationaux, il y a donc un gros pic dâaffluence le samedi. Nous y sommes arrivĂ©s vers 9h30 et notre passage a Ă©tĂ© trĂšs fluide. Les volontaires Ă©taient nombreux pour nous accueillir dans la bonne humeur et malgrĂ© un problĂšme de QR Code, ils mâont rapidement orientĂ©s vers le guichet de mon dossard. đœ
(Crédit : Clément Laborieux)
AprĂšs la traditionnelle photo dossard pour faire monter la pression sur Insta, on entre dans la partie rĂ©servĂ©e aux exposants oĂč le stand Nike occupe la place centrale. On a lâimpression dâĂȘtre dans une vraie boutique avec des dizaines dâarticles exclusifs Ă lâeffigie du Marathon de Chicago 2022. Ăa câest quand mĂȘme la classe. Dâautres marques sont Ă©galement prĂ©sentes comme Under Armour ou On Running et il est mĂȘme possible de se faire masser sur le salon. JâespĂ©rais y trouver des gels Ă base de miel mais je nâai trouvĂ© que des Maurten et des GU. Tant pis, ça mâapprendra Ă gĂ©rer ça Ă la derniĂšre minute.
On rĂ©cupĂšre le Participant packet, un sac transparent avec un tshirt Nike Ă lâeffigie de la course et quelques goodies. Il nây a pas vraiment dâactivitĂ©s marquantes sur le salon et il est temps de prendre lâair. On se balade en ville, lâoccasion de manger Ă nouveau des pĂątes (pasta party !) et de visiter la John Hancock Tower et le 360 Chicago Observation Deck. Un magnifique point de vue au 55 Ăšme Ă©tage qui nous plonge dans un moment hors du temps entre lâhorizon infini du Lac Michigan, le panorama urbain des gratte-ciels de Chicago et le paysage calme et plat de lâIllinois. Pour ceux qui ont le vertige comme moi, essayez le TILT, mon cardio est montĂ© Ă 150, un bon Ă©chauffement pour ce qui mâattend le lendemainâŠ
(Crédit : Clément Laborieux)
LâatmosphĂšre dans la ville est vraiment imprĂ©gnĂ©e par le marathon, on y retrouve des coureurs dans chaque cafĂ© et restaurant. Sur Michigan Avenue, il faut patienter derriĂšre une file dâattente de 100 mĂštres pour accĂ©der Ă la boutique Nike, sponsor officiel de la course. A lâintĂ©rieur, la boutique est aux couleurs du marathon et on y retrouve de nombreux produits spĂ©cialement dĂ©diĂ©s au marathon. Courir le marathon de Chicago, ça nâarrive pas tous les jours alors câest le moment de se faire plaisir ! Bon, il est maintenant lâheure de rejoindre notre havre de paix, taper une petite sieste, manger des fĂ©culents, mater les highlights de Kipchoge et au dodo parce que demain câest le grand jour !
(Crédit : Clément Laborieux)
Dimanche 9 octobre 2022, le jour de gloire est arrivĂ©. RĂ©veil Ă 4h30, 3 heures avant le dĂ©part de la course. Je mange mon pâtit dĂ©j prĂ©parĂ© la veille, petite sĂ©ance de mĂ©ditation, une mini douche, la tenue est prĂȘte, les gels sont dans la poche, la Garmin est chargĂ©e Ă 100%, bizarrement pas trop de stress mais une grande excitation. On dĂ©colle Ă 5h30 pĂ©tantes. On prend le fameux mĂ©tro aĂ©rien de Chicago pour rejoindre Downtown, et station aprĂšs station, des dizaines de coureurs nous rejoignent. Câest excitant de voir tous ces visages stressĂ©s mais surtout heureux dâĂȘtre lĂ . En un seul regard, on se comprend et on se sourit. Quâon soit un coureur Ă©lite en 2h20 ou une grand-mĂšre de 77 ans qui va chercher son 602 Ăšme marathon (true story !), on est tous lĂ pour la mĂȘme chose et on va vivre un moment extraordinaire. đ€©
Le dĂ©part de mon SAS est prĂ©vu Ă 7h30, lâorganisation prĂ©conise une arrivĂ©e Ă 5h30. Je suis arrivĂ© Ă 6h30 et câĂ©tait super fluide. Courir un Major, câest aussi ça. Avoir lâassurance dâune organisation sans faille. Et contrairement Ă New York, Boston ou Londres, le point de dĂ©part est Ă©galement le point dâarrivĂ©e de la course, il y a donc peu de contraintes logistiques. Je suis passĂ© par un premier filtre de sĂ©curitĂ© (seuls les sacs transparents fournis par le salon sont autorisĂ©s), on range le survĂȘtement pour enfiler sa tenue de combat, puis passage Ă la consigne pour poser le sac. A 6h50, jâĂ©tais prĂȘt pour lâĂ©chauffement. La premiĂšre Ă©tape de ce marathon, avant mĂȘme lâĂ©chauffement, câest la petite escale sur le trĂŽne. đ
PremiĂšre victoire : pas de soucis digestifs. PrĂ©voyez 20 minutes pour aller aux toilettes, ici ce nâest pas Paris et mĂȘme si vous ĂȘtes dans un parc, personne ne fait ses besoins dans la nature. Ne faites pas la mĂȘme erreur que moi, marchez un peu plus loin pour trouver des files dâattentes avec moins de monde. 10 minutes de footing et quelques gammes plus tard, jâentends au loin lâhymne amĂ©ricain. Les frissons. Je rejoins finalement la deuxiĂšme vague de dĂ©part car mon SAS avait dĂ©jĂ fermĂ© Ă 7h20. Jâai pu faire un bon Ă©chauffement mais je pars dans un SAS un peu plus lent que prĂ©vu et ça aura son importance dans ce dĂ©but de course⊠La mĂ©tĂ©o est parfaite, il fait 7 degrĂ©s, le ciel est dĂ©gagĂ©, je commence finalement la course Ă 7h34. Durant les premiĂšres foulĂ©es, on est impressionnĂ©s par la vue de tous ces gratte-ciels. Gratitude et fiertĂ© montent en moi, je suis Ă©mu mais pas le temps de lĂącher une larme, il faut ĂȘtre trĂšs concentrĂ© sur sa foulĂ©e car il y a une foule trĂšs dense autour de moi et le GPS de la montre nâest pas trĂšs fiable Ă cause des buildings, des tunnels et de la densitĂ© de coureurs.
(Crédit : Bank of America Chicago Marathon)
Soyons honnĂȘtes, le vrai objectif câest sub2h50. MĂȘme si ce nâest que mon deuxiĂšme marathon, jâai fait une grosse prĂ©paration et je sais que je lâai dans les jambes aujourdâhui. Je fais une premiĂšre partie de course trĂšs maĂźtrisĂ©e. Je double et slalome Ă©normĂ©ment sur ce premier kilomĂštre, câest le jeu quand on choisit une course avec une telle densitĂ©. Mais je prends beaucoup de plaisir, on traverse des avenues mythiques comme Jackson Boulevard ou LaSalle Street qui me rappellent des films comme Batman ou encore mes annĂ©es Ă lâUniversitĂ© ici. Jâaperçois Olivia, ma partenaire de choc, au 3 Ăšme km et jâen profite pour lui laisser mes gants, jâsuis dĂ©jĂ bien chaud. Les sensations sont trĂšs bonnes et je passe les 5 premiers km en 20:00.
(Crédit : Jarvis Lawson - Bank of America Chicago Marathon)
Il y a 1,7 millions de personnes dans les rues de Chicago pour nous encourager aujourdâhui et ça se ressent. LâatmosphĂšre dans la ville est dingue, les amĂ©ricains mettent une ambiance de fou. On se sent portĂ©s par cette foule pleine de joie et dâĂ©nergie. On se dirige vers le Nord de la ville, je reste focused et je passe les 10 km en 39:51. On atteint le quartier Wrigleyville, oĂč se trouve le stade lĂ©gendaire des Chicago Cubs, puis on repart direction le centre-ville. Câest Ă ce moment-lĂ que je rencontre Clark, un coureur assez balaise et avec un bon rythme. On a le mĂȘme objectif et on dĂ©cide de faire le reste de la course ensemble. Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin, Ă ce quâil paraĂźt. đ€đ€
(Crédit : Bank of America Chicago Marathon)
On revient Downtown avec une marque Ă 1h23â58 au semi. Je cours sur une base de 2h48, les jambes rĂ©pondent bien, merci coach pour la prĂ©pa. Jâai 0 douleur et je commence mĂȘme Ă envisager une accĂ©lĂ©ration progressive et pourquoi pas un negative split, la masterclass des coureurs expĂ©rimentĂ©s. Au 30 Ăšme km, on traverse Little Italy et la montre affiche 01:59:10, incroyable. Quel kiff de courir dans cette ville. Je suis toujours sur une base de 2h48. CĂŽtĂ© nutrition : je prends mon 3 Ăšme gel mais il passe vraiment mal. Trop de cafĂ©ine. Pas trĂšs malin pour un mec qui ne boit pas de cafĂ©. Lâodeur de la cafĂ©ine me donne des remontĂ©es de gaz. Je chope un gel Gatorade dans les mains dâun volontaire, jâme dis que ça peut pas ĂȘtre pire. Ăa va mieux. Je cours toujours avec Mark, on traverse le quartier mexicain de Pilsen. On est sur un bon rythme de croisiĂšre, le cĆur ne sâemballe pas et reste Ă 170 BPM. đ„”
(Crédit : Bank of America Chicago Marathon)
On arrive dans Chinatown et au 35 Ăšme km la rĂ©alitĂ© du marathon me rattrape. Le moment oĂč la vraie course commence, le moment oĂč les jambes commencent Ă ĂȘtre lourdes et que la vitesse diminue progressivement. Je mâaccroche pour limiter la casse, jâarrive Ă assurer une vitesse de 4â05-4â10/km. Clark est mieux et maintient son allure, je me retrouve seul pour cette fin de course, seul contre moi- mĂȘme. Heureusement, la foule est encore prĂ©sente pour nous permettre de penser Ă autre chose que la douleur. Au total, on aura traversĂ© 29 quartiers de Chicago, tous diffĂ©rents des uns des autres. Jâai fait une vingtaine de courses mais je nâavais jamais vu autant de diversitĂ© culturelle et dâengouement autour dâune compĂ©tition. Et Ă ce moment-lĂ de la course, le soutien est vraiment important pour ne pas gĂącher les efforts faits pendant les 35 premiers kilomĂštres. đ
(Crédit : Bank of America Chicago Marathon)
Le retour sur Michigan Avenue fait du bien au moral. Il ne reste que 3 kilomĂštres. Câest le moment oĂč il faut justement Ă©viter de compter les kilomĂštres restants mais plutĂŽt se focaliser sur tout le chemin parcouru. On repense Ă ces 35 premiĂšres kilomĂštres mais surtout Ă tous ces entraĂźnements, ces fractionnĂ©s autour de la piste, sous la pluie, ces rĂ©veils Ă 5h, ces sorties longues, ces runs sous 30 degrĂ©s. On souffre, câest inĂ©vitable mais on ne lĂąche pas et on sert les dents. Je franchis enfin la ligne dâarrivĂ©e. 2 heures 49 minutes et 38 secondes. Incroyable. đ
Je nâai mĂȘme pas le temps de rĂ©aliser quâune douleur envahit tout mon corps, je suis incapable de marcher. Je trouve la force dâaller rĂ©cupĂ©rer ma mĂ©daille, la luciditĂ© revient peu Ă peu et jâme rends compte que je viens de rĂ©aliser quelque chose dâexceptionnel. Jâai rempli un objectif de vie. Un marathon en moins de 2h50 Ă Chicago, aux Etats-Unis. Jâai rĂ©alisĂ© une course exemplaire, avec un scĂ©nario idĂ©al, dans lâendroit parfait, avec des conditions incroyables. Je me sens privilĂ©giĂ©, heureux et fier, comme dans un rĂȘve Ă©veillĂ©. âš
(Crédit : Clément Laborieux)
Récit de Clément Laborieux, finisher du Marathon de Chicago 2022.
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