Jacques Didry, coureur vĂ©tĂ©ran, nous raconte l'exploit qu'il a rĂ©alisĂ© sur l'UTMB 2022 : ĂȘtre le premier finisher de plus de 70 ans (Master 7 - M7) Ă boucler lâOCC, une course longue de 55 km et avec pas moins de 3 500 mD+. Retour sur son aventure Ă travers les sentiers escarpĂ©s des Alpes.
« Initialement inscrit sur la CCC en 2020, mon objectif Ă©tait de la refaire une derniĂšre fois pour mes 70 ans. Malheureusement, le COVID est passĂ© par lĂ et lâĂ©dition 2020 a Ă©tĂ© annulĂ©e. En 2021, je nâĂ©tais pas suffisamment prĂ©parĂ© Ă cause du confinement et pour cette annĂ©e, jâai eu des doutes sur ma capacitĂ© Ă terminer un 100 km dans les temps et de flirter avec les barriĂšres horaires. Jâai donc demandĂ© Ă lâorganisation de reporter mon dossard prioritaire de la CCC sur lâOCC : OrsiĂšres-Champex-Chamonix. đ
Mon dossard, le 7425, me place dans la 3Ăšme et derniĂšre vague de 500 coureurs pour un dĂ©part Ă 9h15. Ma famille mâa accompagnĂ© Ă OrsiĂšres, nous y arrivons vers 8h30, Ă temps pour assister au dĂ©part de la 2Ăšme vague. Le temps est idĂ©al, le soleil est au rendez-vous mais une tempĂ©rature encore fraĂźche persiste (un peu moins de 15°C). âïž
Ă 9h05, je mâinsĂšre en queue de peloton. Plus que 10 minutes dâattente avant le dĂ©part. Le temps passe trĂšs vite grĂące au speaker qui galvanise tout le monde et Ă la musique qui nous accompagne sur le dĂ©part. đ„
Mais c'est enfin le moment de s'Ă©lancer đ ! Les trois premiers kilomĂštres jusquâĂ Som-La-Praz sont une alternance de routes et de grands chemins faciles et peu pentus que jâaborde comme un Ă©chauffement avant de rentrer dans le dur ! Viens ensuite la montĂ©e vers Champex (6 km Ă 500 mD+) : cette premiĂšre ascension nâest pas trĂšs pentue ni difficile techniquement. Je monte assez facilement en mâaidant beaucoup de mes bĂątons, mais jâessaye pourtant de ne pas trop accĂ©lĂ©rer en perspective de la distance restant Ă parcourir. Je parviens tout de mĂȘme Ă rattraper quelques concurrents.
Arrivé au ravitaillement de Champex à 10h33, je suis en avance de 10 minutes sur mon plan de course. Par la suite, place à 5 km plutÎt faciles. On longe le lac, puis une piste forestiÚre en légÚre descente qui nous amÚne au pied de la montée de Bovine.
5 km et 700 mD+ : voilĂ ce qui nous attend. Toujours en forme, je dĂ©passe une centaine de concurrents dans la montĂ©e. Il reste alors 6 km et 700 mD- jusquâĂ Trient. Cependant, la faim commence Ă se faire sentir et les jambes sont de plus en plus lourdes... certainement un excĂšs dâoptimisme dans la montĂ©e ! đ
ArrivĂ© Ă Trient Ă 13h40 avec 10 minutes de retard sur mon plan de route, j'ai lâestomac vide et de la fatigue dans les jambes se manifeste. Heureusement, la famille et les amis sont lĂ pour mâencourager, ça redonne la pĂȘche ! J'engloutis deux gobelets de soupe avec des nouilles pour reprendre des forces, quelques morceaux de fromage suisse et des quartiers de pommes. Bon, avec un peu de recul, je pense que je suis reparti trop vite sans avoir pris le temps de bien mâalimenter. đ
PassĂ© Trient, câest la 2Ăšme difficultĂ© qui nous attend : le col de Balme avec 11 km et 900 mD+. Au dĂ©but, on emprunte sur un kilomĂštre le fond dâune vallĂ©e encaissĂ©e qui conduit au glacier du Trient. Puis, trĂšs vite, les premiĂšres pentes raides arrivent peu Ă peu. Ă mi-pente, la fatigue recommence Ă se faire sentir, je manque dâĂ©nergie. Je dĂ©cide alors de manger une barre de cĂ©rĂ©ales qui devrait me redonner du tonus.
Malheureusement, je dois ĂȘtre fortement dĂ©shydratĂ© car il mâest impossible dâavaler la premiĂšre bouchĂ©e. Je dois pour cela boire plusieurs gorgĂ©es pour y parvenir difficilement. Il me faut plus de 15 minutes pour terminer cette barre, alors que jâavais mangĂ© la mĂȘme barre dans la montĂ©e de Bovine en ne buvant quâune fois Ă la fin. Finalement, jâarrive au col de Balme, plus haut point du parcours (2680m d'altitude) Ă 16h52 avec 30 minutes de retard sur mon plan de course, mais en ayant quand mĂȘme gagnĂ© 67 places au gĂ©nĂ©ral.
Au ravitaillement du col de Balme, le vent souffle trĂšs fort et il fait assez froid. Le temps de manger un peu, faire le plein de ma poche Ă eau et je repars sans mâattarder. Il ne reste plus que 22 km et 900 mD+ jusquâĂ lâarrivĂ©e. Je me retrouve seul Ă repartir et nâayant pas bien rĂ©cupĂ©rĂ© de la derniĂšre montĂ©e, je nâai plus le courage de courir. Les premiers kilomĂštres de cette descente sont pourtant faciles et pas trĂšs pentus. Heureusement, au bout dâun kilomĂštre, je suis rattrapĂ© par un petit groupe qui me double en courant, jâen profite alors pour leur emboiter le pas. Il reste 11 km jusquâĂ ArgentiĂšre et presque 1 000 mD-, ce sera le dernier ravitaillement solide avant lâarrivĂ©e.
J'arrive alors du cĂŽtĂ© d'ArgentiĂšre Ă 18h58, jâai maintenant 40 minutes de retard sur mes prĂ©visions. La famille est lĂ pour me supporter, ils mâapprennent que le premier M7 est attendu Ă 19h40 Ă la FlĂ©gĂšre. Cela signifie donc que je suis pour le moment 2Ăšme de ma catĂ©gorie et assez loin pour le rattraper. Je repars dâArgentiĂšre sans pression, en attaquant la montĂ©e plus tranquillement. ArrĂȘt rapide Ă la FlĂ©gĂšre, il est 20h40 et jâai hĂąte dâen terminer. Un verre de coca, je sors la lampe frontale et je repars, seul, pour la derniĂšre descente vers Chamonix. Je suis rattrapĂ© par une dizaine de coureurs qui me doublent en courant, mais je continue en marchant nâayant plus envie de me dĂ©passer, mais pensant trĂšs fort Ă la biĂšre qui mâattend Ă lâarrivĂ©e... đș
Peu avant lâentrĂ©e dans Chamonix, je vois une lampe dirigĂ©e vers moi : mon fils est venu Ă ma rencontre pour me prĂ©venir : « Papa dĂ©pĂȘche-toi, tu as 7 minutes dâavance sur le deuxiĂšme M7 ». En fait, celui-ci est dĂ©jĂ arrivĂ© mais nâa pas respectĂ© sa vague de dĂ©part car il est parti 1h avant moi. Ne sachant pas exactement quelle distance il me reste Ă parcourir (entre 1 500m et 2 000m), je me remets Ă courir et la fatigue sâenvole comme par miracle. Je rĂ©alise mĂȘme moins de 6 minutes au km sur le dernier tronçon ! đââïž
Le suspense est total jusquâau passage de la ligne. Je conserve finalement 1 minute et 20 secondes dâavance sur le second de ma catĂ©gorie đ„. Cette course a Ă©tĂ© difficile pour moi, la fatigue fĂ»t bien prĂ©sente Ă partir de la deuxiĂšme moitiĂ© du col de Balme, en partie Ă cause dâune mauvaise gestion de l'hydratation pendant la course et de lâalimentation aux ravitaillements. Cependant, je suis trĂšs content de terminer avec plus d'une heure et trente minutes de marge par rapport aux barriĂšres horaires. De bonne augure pour envisager de sâaligner encore sur dâautres trails longs Ă l'avenir... »
RĂ©cit de Jacques Didry.
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