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Aujourd'hui nous donnons la parole Ă Bruno Telleschi, un coureur passionnĂ© qui a pris le dĂ©part de plusieurs marathons dont le fameux Marathon de New-York, Ă trois reprises ! Aujourd'hui, il nous raconte celui de 2001, qui s'est tenu quelques semaines seulement aprĂšs les terribles attentats du 11 septembre⊠Car câest aussi ça le running chez Finishers, dĂ©couvrir des histoires extraordinaires racontĂ©es par des coureurs ordinaires. Alors, prĂȘt Ă embarquer pour la Big Apple ?
đ° NY 2001...
Nous sommes en 2001, au mois de septembre, le 11. CâĂ©tait un mardi si ma mĂ©moire est bonne. Je suis encore au boulot. Pas pour longtemps. Je vais rentrer. Jâai ma sĂ©ance de fractionnĂ©s Ă faire. Pas mes prĂ©fĂ©rĂ©es. Pyramide de 200/400/800/400 et 200m avec des rĂ©cups moitiĂ© du temps de course. Dur. Mais il faut ça pour atteindre lâobjectif. On est Ă la moitiĂ© du programme, commencĂ© le 1er aoĂ»t. Le marathon câest pour novembre, et câest Ă New-York. Ce sera la troisiĂšme fois et ça fait toujours rĂȘver.
En 95, le premier, Ă deux, grand souvenir ! Des douleurs, Ă descendre les escaliers Ă lâenvers, et un lundi Ă enchaĂźner les repas, du rĂ©veil Ă lâheure dâembarquer, du petit dĂ©jeuner Ă lâamĂ©ricaine Ă la pizza-pasta de Little Italy. FiertĂ© incommensurable dans lâavion du retour.
En 98, en Ă©quipe, avec les amis, tous prĂ©parĂ©s, tous intimidĂ©s. 3h03, Ă deux sur la ligne d'arrivĂ©e, 1008 et 1009 Ăšme. Lâobjectif est tout trouvĂ© pour dans 3 ans (vu le budget on ne peut se permettre de venir tous les ans ! đ€·ââïž) : rentrer dans les 1000 premiers. Moins de 3h câest dĂ©jĂ fait. Je dis « on » parce que je cours avec un partenaire et «quâon» se soutient et sâentraĂźne Ă deux (la gĂ©nĂ©tique nous a donnĂ© des donnĂ©es VMA proches et une motivation complĂ©mentaire).
Trois ans plus tard, on est en 2001 Ă Paris... JournĂ©e finie. PortiĂšre, contact, radio !? Choc, incomprĂ©hension de ce qui se passe vraiment lĂ -bas ? Les commentaires se rĂ©pĂštent, avions, tours, flammes, cris, fumĂ©es, courses dans les rues grises de poussiĂšres et ça recommence sans moment de rĂ©pit. Jâarrive sonnĂ©, jâallume la tĂ©lĂ©, les images sont confuses et tournent en boucle. Aujourdâhui, on est habituĂ©s Ă ce format apocalyptique exponentiel mais en 2001 câĂ©tait nouveau et dâautant plus effrayant et dĂ©stabilisant. Ce mardi, jâai zappĂ© mes fractionnĂ©s. Assis immobile devant lâĂ©cran Ă regarder des avions traverser des tours. Encore et encore.
Une semaine hors de tout, anesthĂ©siĂ© comme le reste du monde. Et puis les choses se posent, une double colonne de fumĂ©e montant Ă la verticale au milieu des buildings. La vie reprend avec une boule au ventre, une sensation de guerre Ă venir, mondialisĂ©eâŠ
Notre projet câest entre amis et en famille. Ma femme va courir, notre fille nous accompagne. Je cours, jây pense, je conduis, jây pense, je mange, je lis, je me rĂ©veille, jây pense. Jâallume la tĂ©lĂ© pour un peu dâĂ©vasion, perdu !! New-York, attentats, terrorisme, danger permanent, niveau dâalerte supra maximal !
Et puis nous sommes en contact avec lâamicale des coureurs de fonds (les amateurs de contrepĂšteries apprĂ©cieront). Au final le verdict tombe. Les New-Yorkais choisissent de rĂ©sister Ă tout ça, le marathon a lieu. Longues discussions au sein du groupe. Quel choix. On y va, on nây va pas ? Les tĂ©moignages des habitants sont impressionnants de volontĂ©, dâenvie de recevoir le monde Ă leur cĂŽtĂ©, de nous accueillir avec fiertĂ©. Si cela nâest pas LE sport alors quâest-ce ? On y va !
Tout se paye. Cette tension des derniĂšres semaines pour moi va se traduire par une contracture soudaine Ă lâischio gauche. Un coup de canif en pleine foulĂ©e. Retour boiteux Ă la maison. On est Ă moins dâun mois. Je vais rester 10 jours sans courir Ă recalculer mes sĂ©ances finales pour garder lâobjectif des 1000 demandant un chrono Ă moins de 3h pour assurer ou 3h02 maxi au regard des stats des courses antĂ©rieures⊠Il arrive un moment oĂč le mieux est de rĂ©cupĂ©rer plutĂŽt que sâentĂȘter. Je garde mon plan A mais je prĂ©pare un plan B si je ne tiens pas les 14 km/h et les temps de passage avec mon partenaire. Je fixe un point de rendez-vous sur le parcours oĂč mon Ă©pouse me rĂ©cupĂ©rera et je finirai avec elle Ă 10/11 Ă lâheure⊠Câest topĂ©.
Une ville diffĂ©rente. Une ambiance indĂ©finissable qui nous Ă©crase un peu. Une odeur de brulĂ© parcourt les rues, toutes. On sent le poids de ce qui est arrivĂ©. On le voit dans les yeux des gens. Dans les nĂŽtres aussi. Tous pareils. Les jours qui prĂ©cĂ©dent la course il faut passer aux dossards en file indienne et par des sas de dĂ©tecteurs de mĂ©taux (goodies, tee-shirtsâŠ), les gens des tables nous disent merci dâĂȘtre lĂ . Il faut courir un peu pour remettre son corps en route, le dĂ©froisser du voyage, comme les chemises sorties de la valise. Les coureurs que lâon croise Ă Central Park nous remercient dâĂȘtre ici. Il faut se nourrir aussi. Dans chaque restaurant, lâaccueil est amical, chaleureux. Tous pareils, tous unis⊠La course change de dimension. De quĂȘte de soi, elle sâouvre vers les autres, fraternelle. On le sent, partout, tout le temps, en magasinant, en prenant lâascenseur Ă lâhĂŽtel, en visite au musĂ©e⊠Les New-Yorkais nous traitent en amis, en hĂ©ros.
Bien sĂ»r plus de sĂ©curitĂ©, de police, dâarmĂ©e, de consignes Ă respecter, de survol dâhĂ©licoptĂšres. Pour tous, une broche « united we run ». Oui je sais, ça fait trĂšs « amĂ©ricain » mais je vous assure que sur place et ce jour-lĂ nous Ă©tions fiers et Ă©mus dây ĂȘtre.
Sur le parcours, non-stop (et vous connaissez la distance) des applaudissements et de la musique, en rafales. Au pont du Bronx, pour moi, le trou du canif sâest rouvert. Mon plan A tombe dans lâeau dâHarlem River. Plan B : Je laisse partir mon compagnon de route, il rentrera dans les 1000 (comme programmĂ©) et je me pose Ă gauche de la route Ă lâentrĂ©e du pont. Jâattends. Je sais quâelle aura tenu son tableau de marche. Je guette sa foulĂ©e. Elle arrive, seule. Son compagnon de course a ralenti (nous courrions tous par deux, formant les paires Ă partir des objectifs de chacun). Elle me voit, je prends sa roue au passage, je mâaccroche, dents serrĂ©es, de plus en plus. Je ne me souvenais pas Central Park si grand !
Nous arrivons ensemble en 4h et des poussiĂšres. Je mettrai des semaines Ă cicatriser de la cuisse mais pour le coup je mâen fous. CâĂ©tait gĂ©ant ! GĂ©antissime dâĂ©motion ! Jâai dĂ©marrĂ© avec mon partenaire de toujours en marathon et terminĂ© avec la femme de ma vie le plus beau marathon du monde de lâunivers !!!
En 98, lâorganisation nous avait donnĂ© des gants sur lesquels Ă©tait Ă©crit :
- main gauche « itâs time to stop asking questions »
- main droite « and start answering them »
Nous sommes en 2021 et je les ai toujours, la preuve :
La plateforme nouvelle génération qui permet à tous les coureurs quel que soit leur niveau, de (re)découvrir le territoire et le patrimoine français, en trouvant les courses qui leur correspondent.