Connais-tu l'histoire d'Ahmed BoughĂ©ra El Ouafi, ce coureur et ouvrier français au destin tragique nĂ© le 15 octobre 1898 en AlgĂ©rie. Lui qui n'avait rien d'un favori, remporta le Marathon des JO d'Amsterdam en 1928 et finit sa vie dans la misĂšre. Aujourd'hui, en ce 18 octobre, nous retraçons la vie de ce marathonien d'exception, au destin tragique dont la vie sâest brutalement arrĂȘtĂ©e le 18 octobre 1959âŠ
Ce 5 aoĂ»t 1928 au Stade Olympique dâAmsterdam, la foule, rĂ©unie pour assister Ă lâarrivĂ©e du marathon, voit le numĂ©ro 71 pĂ©nĂ©trer en tĂȘte dans lâarĂšne. 200 mĂštres derriĂšre, le chilien Manuel Plaza ne reverra jamais El Ouafi BoughĂ©ra, qui file vers la mĂ©daille dâor, remportant lâĂ©preuve reine en 2h32 et 57 secondes. Il devient alors le deuxiĂšme tricolore de lâhistoire Ă remporter le marathon aux JO, aprĂšs Michel ThĂ©ato en 1900.
Stade Olympique d'Amsterdam en 1928
Lors de ces J0 de 1928, le natif de Ouled Djellal est le seul français Ă remporter une mĂ©daille dâor, lui qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© deux fois Champion de France en 1924 et 1927. VoilĂ pour les exploits. La lĂ©gĂšretĂ© du pas de course dâEl Ouafi est Ă lâopposĂ© du poids de son destin. NĂ© en AlgĂ©rie en 1898, il rejoint lâarmĂ©e française aprĂšs son service militaire et participe Ă la fin du conflit en Allemagne (1918). 5 ans plus tard, repĂ©rĂ© par un gradĂ© qui avait vu en lui un certain potentiel athlĂ©tique, il sâenvole pour Paris. Il dĂ©fendra dĂšs lors les couleurs du club omnisports du CASG Paris.
A partir de 1925, il rentre aux usines Renault de Boulogne-Billancourt, oĂč il partage les conditions difficiles des manĆuvres de lâĂ©poque. Aucun passe-droit ne lui ait accordĂ© malgrĂ© son statut sportif, Ă une Ă©poque en France oĂč seuls les cyclistes et les boxeurs sont reconnus du grand public. Ce qui ne lâempĂȘchera pas de sâentraĂźner dâarrache-pied lors de ses temps libres et de remporter le Marathon dâAmsterdam, oĂč personne ne lâattendait.
Pour amĂ©liorer son quotidien, il tente de profiter de la lumiĂšre olympique. Mais, acceptant lâinvitation dâun promoteur amĂ©ricain Ă venir rĂ©aliser des exhibitions de lâautre cĂŽtĂ© de lâAtlantique, il est interdit de compĂ©tition Ă son retour en Europe par le ComitĂ© National Olympique et la FĂ©dĂ©ration Française dâAthlĂ©tisme. Dans les textes fĂ©dĂ©raux, il Ă©tait en effet interdit Ă un sportif amateur de toucher de lâargent de son sport⊠Investissant ses petites Ă©conomies dans un fond de commerce Ă Paris, il sera trahi par son collaborateur. Il devint peintre en bĂątiment pour subvenir Ă ses besoins, glissant dans lâanonymat et Ă lâombre de lâhistoire.
En 1956, Alain Mimoun, vainqueur du marathon 28 ans aprĂšs El Ouafi BoughĂ©ra, dĂ©sira ramener un peu de dignitĂ© Ă son compatriote oubliĂ©. Le Champion français pesa de toute son influence et obtenu du PrĂ©sident RenĂ© Coty quelques attentions, qui nâeffaceront pas la duretĂ© et lâĂąpretĂ© des Ă©preuves quâa surmontĂ©es El Ouafi, coincĂ© dans la grande horloge de son temps. Le 18 octobre 1959, il sera abattu Ă Paris dans des circonstances qui restent floues par des combattants du FLN, en pleine guerre dâAlgĂ©rie. Lâhistoire dâEl Ouafi, câest lâhistoire dâun homme ordinaire coincĂ© dans la grande Histoire, celle des Nations. Une histoire universelle et touchante, qui ne peut pas ĂȘtre oubliĂ©e.
Si tu dĂ©sires aller plus loin, je tâinvite Ă prolonger lâhistoire avec le superbe documentaire audio (lien ci-dessous) datant de 2013, signĂ© Yvan Gastaut et Renaud Dalmar.
Charles-Emmanuel Pean
Sources
France Culture - "La Fabrique de l'Histoire"
La plateforme nouvelle génération qui permet à tous les coureurs quel que soit leur niveau, de (re)découvrir le territoire et le patrimoine français, en trouvant les courses qui leur correspondent.